Faire, faire bien et faire simple

Le future sera autonome ou ne sera pas.

Sous cette phrase pompeuse se cache à la fois un prophétie et une envie. Face à l’hyper-spécialisation menant à une forme d'incompétence individuelle et collective, je rêve d'un monde fait de plein de Léonard de Vinci. A la place de l'ingénieur ignare se croyant utile parce qu'il maîtrise  un sous-sous-domaine, je voudrais voir des ingénieurs capables d’appréhender les problèmes dans leur globalité, tout en étant en situation d'implémenter les détails quelque soit le domaine.

Ainsi, nous avons récemment ajouter à nos activité l'installation électrique. Alors que nous fournissons essentiellement du logiciel et des services associés, il peut sembler pour le moins surprenant de vouloir "faire l'électricité" d'une maison. Pourtant, le lien n'a jamais été aussi immédiat, aussi évident. Puisque nous en avons les compétences, pourquoi, par exemple, nous contenterions-nous de mettre en place une installation domotique alors que nous savons en fabriquer les éléments et développer le logiciel de contrôle ?

Inutilement ambitieux, diraient ceux qui se contentent de suivre la foule. Pourtant, ne pas dépendre des solutions "mainstream" n'a jamais été aussi vital, à la fois du point de vue de la sécurité et du point de vue politique.

La sécurité, car utiliser ce qui est le plus répandu sans même avoir la possibilité de le modifier (solutions commerciales fermées comme Philips Hue, pour n'en citer qu'une) est dangereux en tout point. D'abord parce que le coût d'une cyberattaque serait très faible en rapport avec la quantité de cibles, mais aussi avec la facilité avec laquelle on pourrait les atteindre une fois la mise au point faite. Ensuite, parce que l'histoire récente nous apprend que laisser notre vie privée entre les mains d'une multinationale c'est faire un pacte avec le diable. Il vaut mieux avoir une solution ouverte moins bien ficelée, à la fois quasiment unique et qu'on contrôle de A à Z.  Dans ce cas, le coût d'une attaque, à condition évidemment d'avoir fait le minimum de boulot de sécurisation en amont, est trop élevé par rapport à ce que cela peut rapporter (à moins que vous ne soyez un ministre de la république, mais là encore, il suffirait d'investir plus sur la prévention et la solution resterait pertinente). Vous imaginez bien qu'un acteur malveillant ne va pas s'embêter à passer le même temps de développement pour cibler une poignée d'utilisateurs, alors que cibler Hue lui ouvre les portes de millions de foyers...

Le point de vue politique n'est pas non plus à négliger: quelque soit le domaine, on devrait se battre à chaque instant pour ne pas rendre notre fournisseur trop puissant, voir monopolistique. Nous devrions donc refuser d'utiliser toute solution proposée par les GAFAM, mais aussi par toute multinationale et, plus que jamais, par toute start-up. N'oublions pas que les GAFAM sont, en fait, des start-ups qui ont réussi, et que le but ultime et structurel d'une start-up c'est le monopole.

Ainsi, en travaillant uniquement avec des artisans de chaque métier (et nous sommes des artisans des nouvelles technologies), nous garantissons un équilibre auquel nous participons activement individuellement. Pour les plus rebelles, appelons ça "saboter le système".

Mais le meilleur moyen de se garantir une indépendance vis-à-vis de ceux qui n'en veulent qu'à notre argent est encore de comprendre et de maîtriser, mais aussi de n'investir que sur des solutions que n'importe qui peut maintenir. En adoptant des solutions ouvertes on se rend indépendant de tout fournisseur, puisque à tout moment il est possible d'en changer. Pour ceux qui verraient dans notre logorrhée uniquement une forme d’affairisme primaire, nous avons cette réponse: en travaillant avec nous, vous vous donnez la possibilité de ne plus le faire à tout moment et cela, cette liberté qu'on vous offre, n'a pas de prix.

"Le futur sera autonome ou ne sera pas" fait tout à coup sens: qu'il y ait effondrement de la société ou pas, chacun se doit d'augmenter son autonomie vis-à-vis d'un système dans lequel les acteurs ne visent que la domination totale, le monopole absolu. Ainsi, devrions-nous non seulement utiliser des solutions ouvertes, mais idéalement et quand c'est possible fabriquer tous nos outils et tout ce qui, dans notre vie, semble être un objet indispensable. Cette forme d'autonomie ne suppose pas de se passer des autres, bien au contraire. A petite échelle le réseau des interdépendances est très denses et, donc, plus résilient.

J'ai appelé cet article "Prototypage rapide", car cela répond au besoin des petites entreprises qui ont besoin d'une plate-forme pour créer leurs produits. Nous la fournissons non seulement à travers l'outillage (machines CNC nonn industrielles, imprimantes 3D), mais aussi à travers le savoir-faire et les logiciels.

Pour ce qui est du savoir-faire, nous avons une culture système qui va bien au delà des systèmes complexes qui sont notre spécialité première. Il s'agit d'une culture industrielle et une culture technologique générale, une capacité à faire le lien entre tous les domaines et à produire dans n'importe lequel d'entre eux.

Cela me rappelle mon choix de formation; je n'ai pas choisi l'informatique par défaut, ou par amour des geekeries, mais parce qu'elle offrait il y a vingt ans déjà la possibilité de travailler dans tous les autres métiers. D'ailleurs j'ai été formé par une école d'ingénieurs généraliste (sur laquelle il y a beaucoup de choses à dire, d'ailleurs), et je n'ai cessé depuis de vouloir rester en capacité de pouvoir intervenir sur tout sujet d'ingénierie, autant que faire se peut).

Aujourd'hui, je mets cette culture générale à disposition de ceux qui ont une idée concrète et solide, mais à qui il manque un chemin clair permettant de produire.

Ignitial fournit donc les moyens techniques en réseau avec d'autres petites entreprises pour permettre la conception et la réalisation de produits à travers le prototypage. Rien de très nouveau là-dedans si ce n'est que je considère que l'avenir c'est plus que le fait de rapidement sortir un produit prototypé dans l'arrière cour: il s'agit de pouvoir réaliser un produit unique qui n'est autre que le prototype itéré jusqu'à la perfection, mais tout cela avec la facilité de l'achat d'un produit équivalent dans le commerce. Cela paraît assez utopique, mais s'il existe un petit avantage au foisonnement technologique actuel c'est bien celui de diminuer le ticket d'entrée pour l'excellence. Ainsi, je pense que demain devrait être fait de gens compétents, capables de réaliser par eux-mêmes une bonne partie de ce dont ils ont besoin, ce qui nous permettrait d'une certaine manière de revenir aux temps anciens où, sans parler d'autarcie, un village avait les compétences de faire à peu près tout ce dont il avait besoin. Individuellement nous sommes faibles, mais à l'échelle de toutes la société nous l’interdépendance se traduit  également par une diminution de la compétence. Or, devenus de simples bureaucrates ayant déménagé tout le savoir-faire matériel en Chine, nous ne sommes rien d'autres qu'une société en sursis.